Quels sont les projets sur lesquels vous travaillez à la Philharmonie de Paris ?
Je suis chargée de médiation à la Philharmonie de Paris. Je m’occupe donc de toutes les activités hors les murs de la Philharmonie, c’est-à-dire des interventions à l’extérieur de la Philharmonie, dans les hôpitaux, dans les prisons, mais également des cycles annuels pour les enfants. Je suis aussi en charge de transformer l’audioguide en visioguides en accessibilité universelle à la Cité de la musique.
L’accessibilité : qu’est-ce que c’est ?
La Philharmonie a gagné des labels pour l’accessibilité. Il s’agit de veiller à ce que toutes nos activités soient accessibles, c’est-à-dire ouvertes à différents handicaps. Par exemple, nous proposons des parcours pour le handicap mental, mais aussi des parcours en langue des signes.
Est-ce que tous les handicaps sont pris en compte ?
En termes de fréquentation de la Philharmonie-Cité de la musique, certains handicaps sont plus représentés que d’autres : le handicap mental constitue notre public le plus important, ensuite le handicap visuel, et ensuite le handicap auditif. Concernant le handicap moteur, c’est plus difficile à comptabiliser, car cela peut toucher plus de monde. Une personne âgée peut être par exemple considérée en handicap moteur.
Par exemple, les handicaps mentaux sont plus représentés parmi nos publics, notamment parce que nous accueillons beaucoup de groupes. Nous accueillons aussi beaucoup de publics handicapés qui viennent en visiteurs libres.
On pourrait se dire que la Cité de la musique pourrait s’affranchir de rendre ses contenus accessibles aux personnes sourdes et malentendantes. Ce serait une grosse erreur. D’abord, il y a plusieurs types de surdité. Nous fournissons des boucles magnétiques pour les personnes sourdes appareillées, nous essayons de faire de l’audiodescription, nous réfléchissons à des modes d’écoute de concerts pour la surdité avec des écoutes qui passeraient par de la vibration, enfin nous avons un système solidien dans le musée. Ensuite, certaines musiques font partie de la culture sourde. Par exemple, nous avons en ce moment une exposition Électro. Or, l’électro, qui est forte en basses et en vibrations, fait partie de la culture sourde.
C’est une grande fierté de travailler sur le sujet de l’accessibilité, car il y a une demande très forte en France, avec chaque jour de nouveaux projets. Par exemple, nous avons en ce moment un gros projet sur les maladies d’Alzheimer, puisque des études montrent que la culture permet de ralentir le développement de la maladie. C’est plus que du simple loisir, on touche le domaine de la santé public.
Quelle est la différence entre l’accessibilité et la médiation ?
L’accessibilité c’est tout un mode de pensée. Cela intègre de la médiation, mais c’est plus global. Ce n’est pas uniquement la mise en accessibilité d’un contenu déjà existant. C’est une création de contenu. Par exemple, il ne s’agit pas uniquement d’ajouter des vidéos traduites en LSF en se disant qu’on a pris en compte les personnes sourdes. Si on veut rendre une exposition accessible, il faut y penser dans la scénographie : est-ce qu’un fauteuil roulant passe, comment on gère les angles pendant le parcours, est-ce que c’est trop sombre ? Cela intervient à tout moment de la conception du contenu.
Est-ce qu’un lieu culturel réalise un bilan de son action en matière d’accessibilité ?
Bien sûr, il est évident que si un dispositif ne profite à personne, on ne s’acharne pas. Cependant, il y a des normes européennes et françaises qui obligent les institutions culturelles à être accessibles, on a donc des engagements vis-à-vis des publics empêchés.
Les bilans quantitatifs et qualitatifs porteront davantage sur le dispositif que sur le projet en lui-même : c’est en fonction des retours que nous faisons évoluer le projet. Par exemple, la Cité de la musique-Philharmonie de Paris propose un projet de boîte à musique à des hôpitaux. Il est évident que s’ils nous disent qu’ils ne s’en servent pas, nous n’allons pas continuer à financer ce projet. En revanche, avant d’annuler le projet, nous allons essayer de voir s’il y a des choses à améliorer pour qu’ils réussissent à s’en servir, et en général, on y arrive. Cela n’est jamais arrivé qu’un projet s’arrêt parce qu’il n’y a pas de public. En général, si un projet s’arrête, c’est parce que le modèle évolue, qu’il est difficile de mener tous les projets de front et qu’on est obligés d’abandonner certains projets parce que le mécénat s’arrête et qu’ils ne sont plus financés.
Cependant, nous sommes assez détachés du quantitatif en termes de fréquentation. En effet, l’aspect quantitatif est difficile à établir dans la mesure où on va dans des instituts où le public est limité. Par exemple, quand on va en prison, on sait qu’on aura autant de prisonniers que de places.
Concernant l’aspect financier des projets, on fonctionne beaucoup sur le mécénat, notamment avec des fondations qui nous permettent d’augmenter le nombre de projets. Sur le quantitatif, on est plutôt sur combien on peut financer de projets que sur la fréquentation en nombre de visiteurs.
Comment l’EAC a-t-elle pu vous aider à vous insérer professionnellement ?
L’EAC m’a permis de me former aux métiers de l’accessibilité via l’enseignement d’un cours intitulé « Les publics empêchés », et de prendre contact avec une intervenante professionnelle qui avait travaillé à la Philharmonie de Paris, et qui dispensait ce cours sur l’accessibilité dans le cadre du Mastère Management Culturel. C’est comme ça que j’ai découvert ce métier, et que j’ai pu intégrer la Philharmonie de Paris. J’ai commencé par travailler sur l’accessibilité, et comme la Philharmonie était contente de mon travail, ils m’ont réembauchée sur des missions un peu plus transverses.